Evènement : La bataille de la MJC

Ce matin-là, dans sa petite maison aux alentours de Big Hornow, Kirel faisait la grasse-matinée. Habituée aux insomnies, dès qu'elle pouvait dormir un peu plus qe de raison, elle en profitait. Le manque de sommeil accentuait ses sautes d'humeur, et mine de rien, elle n'aimait pas trop ça.

Sa belle-mère, qui ne pouvait plus dormir depuis qu'elle avait trouvé le "repos éternel", était assise par terre et réfléchissait. Elle réfléchissait justement à la notion de repos éternel. En fait de repos, elle n'avait qu'un stress constant qui lui donnait des rides avant l'âge. Après tout, elle avait à peine quarante ans le jour de sa mort... Et tout le monde l'appelait "la vieille". La vieille... Pour une femme qui avait tout essayé (et parfois réussi) pour rester jeune, c'était un comble.

Ces réflexions faites, elle décida de profiter du sommeil de sa belle-fille pour s'amuser un peu. En tant que fantôme, elle était intangible, et ne pouvait pas donc pas prendre les objets. Sauf sous l'effet d'une certaine potion appelée "couleurs de la vie". Cette potion permettait aux morts d'avoir l'apparence de vivants, et de tout faire comme s'ils l'étaient. Kirel l'ignorait, mais puisque sa belle-mère était revenue pour la hanter, elle pouvait prendre contrôle de celle qu'elle considérait comme sa meurtrière pendant son sommeil. Elle lui avait donc fait préparer certaines potions sans qu'elle s'en rende compte.

La belle-mère prit à nouveau le contrôle de Kirel, la fit aller chercher la potion et la lui administrer. Elle l'envoya ensuite se recoucher. Devenue à nouveau "vivante", la belle-mère prit son temps pour se préparer, se faire belle, faire disparaître les rides qui lui traversaient effectivement le visage, et se coiffer. Malheureusement, la couleur vert de ses cheveux étant la cause de sa mort, elle ne pouvait pas la cacher, même avec un chapeau. Une fois que tout cela fut fait, elle se regarda dans le miroir et se dit que finalement, si Kirel n'avait pas fait de bêtises, elle serait restée une belle femme. Si seulement il n'y avait pas ces horribles cheveux...

Ceci fait, elle se dirigea vers une pièce qui servait de laboratoire photographique. Elle visualisa bien dans sa tête le visage des deux personnes qu'elle avait rencontrées en poursuivant Kirel sur les toits, et en imprima une photo. On aurait cru une vraie, se dit-elle en la regardant, une fois sortie du laboratoire.

"Voilà." se dit-elle d'un air triomphant. "Je sens que je vais bien m'amuser, aujourd'hui."

Elle prit l'apparence d'une superbe jeune fille, malgré ses cheveux toujours verts, et sortit. Elle se rendit directement au complexe scolaire de Big Hornow. C'était mercredi, et de joyeux cris s'échappaient d'une MJC, malgré l'heure matinale. Certains parents se sentaient obligés de se débarrasser de leurs marmots le plus tôt possible. Quelle idée d'en faire, dans ce cas-là ? Et quelle idée de les garder ?

La charmante jeune fille aux cheveux verts se présenta au directeur de la MJC comme étant Lucie, l'une des animatrices qu'il avait recrutée récemment. Un petit sortilège, et il la crut sans aucune vérification. Elle en ajouta un autre pour qu'il croie que les autres animateurs étaient ces deux personnes sur la photo qu'elle avait amenée avec elle. Une fois sortie du bureau, elle jeta un troisième sortilège pour que ces deux personnes passent forcément près de la MJC dans la journée. Ce sortilège n'était pas très puissant, il ne devait en principe pas être détecté trop facilement pour le cas où ils aient des pouvoirs magiques.

"Lucie" rejoignit les enfants et leur jeta également un sort pour qu'ils croient que leur animateur favori était le jeune homme aux cheveux rouges sur la photo. Elle commença ensuite à les surveiller, comme si elle était vraiment une animatrice. Intérieurement, elle s'amusait par avance du spectacle qu'elle allait voir. D'autant que, ne pouvant pas la reconnaître, elle avait trop changé son apparence, ils ne pourraient pas deviner pourquoi tout ça leur tombait dessus.

A l'extérieur de Big Hornow, ne sachant rien du drame qui se tramait, Kirel dormait toujours à poings fermés.

Taki ouvrit doucement les paupières. La lumière du jour envahissait la pièce dans laquelle il se trouvait. D’un air endormi, il tourna la tête pour apercevoir une ravissante créature à côté de lui. C’était une jolie asiatique qu’il avait rencontré la veille. En trente minutes à peine, il avait réussi à la convaincre de dîner avec lui, puis l’avait séduite tout au long du repas. Vers onze heures du soir, il l’a emmené dans un hôtel où il a loué une chambre. Bien sûr, l’argent n’était pas un problème pour lui : il en avait autant qu’il le désirait. Etant un spectre, piller des banques était presque son quotidien. Une fois la nuit payée, il avait pris l’ascenseur afin de se rendre à l’étage où se trouvait sa chambre. En vrai gentleman, il n’avait guère touché la superbe jeune femme qui pourtant le dévorait du regard.
Alors qu’ils étaient encore dans la petite cabine qui montait, la damoiselle s’est approchée de lui et l’a embrassé. Il lui a rendu son baiser avec fougue, puis l’a attirée vers la sortie lorsque les portes de l’ascenseur furent ouvertes. Sans regarder ce qu’il faisait, il a ouvert la chambre numéro 261 pour ensuite emmener sa compagne à l’intérieur. Il l’a portée sans aucun soucis, l’a déposée sur le lit, puis a capturé ses lèvres. L’asiatique a tiré sur sa cravate de sorte à le faire basculer sur elle. S’en sont suivies des griffures le long des bras, des suçons dans le cou ou sur le torse, des échanges de baisers tous aussi passionnés que les autres et quelques gestes osés. Le spectre avait pris beaucoup de plaisir à la faire soupirer. Que c’était bon de profiter de ce genre de plaisirs même en étant mort !
Ils avaient fini par s’endormir côte à côte. La jeune femme avait dormi tout contre lui, de sorte à ce qu’il la réchauffe un peu. « C’est étrange, avait-elle dit plusieurs fois, ton corps est froid comme la pierre alors que ce que je te fais devrais t’irradier de plaisir. » Un mort est forcément glacé, il ne lui avait rien dit.

« Je vais y aller, Iku… Merci pour cette nuit… Merci pour cette superbe soirée… »

Ses doigts glissèrent dans ses cheveux noirs. Qu’elle était belle lorsqu’elle dormait. Il voulut quitter le lit, cependant une main l’en empêcha. Il tourna la tête : elle s’était réveillée. De ses petits yeux noirs légèrement bridés, elle toisait son corps auquel elle avait goûté la veille.

« Tu vas t’en aller comme le font tous ces hommes après avoir profité le coup d’un soir ? Et si j’avais envie de te revoir ? Tu y as pensé à ça ? »
« Tu te trompes, chère Iku… » soupira l’ectoplasme.

Il se rassit à côté d’elle et l’attira contre lui. Les deux corps nus se collèrent l’un à l’autre dans une étreinte paisible. Il la rassura en la berçant avec tendresse. Non, il ne souhaitait pas ne plus la revoir, il lui avait même donné son numéro de téléphone pour qu’elle le rappelle. Non, il n’était pas comme ces connards qui prennent leur pied puis rejètent leur prise sans ne plus les revoir. Elle le supplia de rester avec elle la matinée ; il fut contraint de refuser. Quelque chose lui ordonnait de se rendre quelque part. Il ne savait pas où, cependant ça devenait obsédant.
Le câlin se changea en des gestes plus sensuels. La langue du fantôme glissa sur les seins d’Iku tandis que ses doigts frôlaient ses hanches. La demoiselle s’agrippa à ses cheveux rouges et lui ordonna de lui faire plaisir encore une fois. Taki accepta en propageant ses doigts ainsi que sa bouche sur tout le corps de la divine créature…

A onze heures de l’après-midi, le spectre prit congé de la jolie asiatique à qui il promis de la revoir dans la semaine. Comme la majorité des êtres qu’il séduisait, elle allait le considérer comme un objet sexuel puis allait l’oublier. Elle allait trouver mieux, quelqu’un à aimer et non plus un amant à la peau froide. Plusieurs fois ce genre de situations avaient eu lieu et à chaque fois cela n’avait pas duré. Les femmes comme les hommes avait qui il avait fait l’amour avaient besoin de sentiments et de sentir le cœur de leur conjoint battre. Taki n’avait pas de cœur… Ses amants qui l’avaient côtoyé assez longtemps l’avait vite remarqué. Parfois s’en suivait un scandale : « Ahhhh, tu es un monstre, dégage ! Je ne veux plus te revoir. » , d’autres fois l’abandon se faisait en silence. Qu’importe, le revenant en avait l’habitude. De toute manière il ne cherchait pas à aimer quelqu’un, il cherchait à se faire plaisir et à faire plaisir aux autres. Jusqu’ici ça s’était passé plutôt bien.
Il avança machinalement dans la rue, laissant la brise matinale donner ses derniers baisers avant de laisser place à l’après-midi. Ce vent l’apaisait, il se sentait terriblement bien. Ses jambes le laissaient porter quelque part ; il n’en savait rien. C’est alors qu’il se stoppa devant un grand bâtiment avec une cour remplie de jeux d’enfants. Sur une pancarte était écrit ‘MJC : Maison des Jeunes et de la Culture’. Ses paupières clignèrent plusieurs fois comme pour lui indiquer que c’était louche.

« Qu’est ce que c’est que ce bordel… » chuchota-t-il en fronçant les sourcils.

Une chose à tignasse blonde se jeta sur ses genoux. Il baissa la tête pour remarquer avec horreur que c’était une fillette. Elle le scrutait de ses prunelles couleur noisette et sautillait tout en restant collée à lui.

« Vous êtes en retard monsiiiieur ! Tout le groupe vous attend. »

Taki pâlit. Il hurla en envoyant la petite à terre.

« AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!!! Qu’est ce que c’est que cette merde ! Un gosse !!!! Crève ! »

Il sortit son arme à feu, mais se retint de tirer. Un homme s’approcha de lui en le toisant furieusement. Il s’empara de l’arme qu’il rangea dans son veston. Son index légèrement boudiné s’agita. C'était le directeur du bâtiment.

« Non, non, non, Monsieur. Vous avez le droit d’avoir une arme en dehors de votre travail à cause des monstres, mais interdiction d’en user ici. Par ailleurs, vous êtes en retard. »
« Il m’a poussé… » fit la bambine en reniflant la morve qui lui pendait au nez.
« Tu n’avais qu’à pas t’approcher de moi, sale parasite. »
« Euh… Il faudra que nous parlions dans mon bureau après cette journée. Bon, je vous ai à l’œil. Occupez-vous bien des enfants. »
« Pardon ? »

L’ectoplasme était estomaqué. Il avait abandonné une belle asiatique pour ‘ça’ ? Qu’est ce qu’il se passait ? Depuis quand il gardait les enfants dans une MJC ? Il repéra une jolie minette aux cheveux verts qui surveillait un troupeau de petits monstres ou plutôt enfants. Il voulut aller lui parler, néanmoins la bestiole aux cheveux blonds exigea qu’il la soigne. Il se rendit en grognant dans vers un petit local où un croix rouge clignotait.

Adraziel arriva à la MJC avec le stock de maillots de foot que le directeur lui avait commandé. Comme c'était la première fois qu'il venait, il ne savait pas du tout par où entrer. Portant son encombrant carton, il repéra un attroupement de gosses et trois jeunes animateurs. Il regarda autour de lui pour trouver un panneau indicateur, histoire de ne pas avoir à demander son chemin. N'en trouvant pas, il se résigna à demander. Il s'approcha du petit groupe.

"Euh... Excusez-moi..." lança-t-il d'une petite voix, espérant à moitié que personne ne l'entendrait. Je cherche l'entrée de la MJC, vos pourriez me l'indiquer, s'il vous plaît ?

Les enfants se ruèrent sur le fantôme, toutefois ils passèrent à travers. Cela provoqua de nouveau un hurlement de joie. Ils étaient très contents d’avoir un moniteur étrange ! Ils avaient toujours rêvé de voir un monstre en chair et en os ! Quoi que cette créature ne semblait pas constituée de chair… En fait, ils n’en savaient rien, ils ne demandaient qu’à apprendre.

« C’est trop cool d’avoir un ‘Casper’ comme moniteur ! Youpeee ! »
« Il est mignon, en plus… » murmura une petite fille.

Le jeune homme hocha gravement la tête en prenant un air désespéré. Il fallait qu’il sorte d’ici et vite ! Il en avait plus qu’assez de passer pour la bête de foire ! Et puis mince, quoi. C’étaient des enfants, donc des choses à exterminer. Il regretta que le Muet ne soit pas dans le coin pour en faire des sujets d’expérience. Un gamin s’amusa à courir vers le spectre afin de se donner de nouvelles sensations. En effet, passer à travers quelqu’un d’immatériel était étrange, voire insolite. Un tel contact le faisait frissonner. Cette sensation le parcourait entièrement comme si une rafale de magie mortelle le prenait.
Il sautilla sur place, restant sur l’image du revenant qui se retenait d’hurler. Celui-ci finit par craquer et envoya ce microbe valser parmi ses camarades. Le petit tomba par terre. Son nez s’égratigna tandis que le sang se mit à couler.

« Je te préviens le petit parasite, il va falloir demander à quelqu’un d’autre que moi pour te soigner. »
« Ouhhh, il est méchant ! » sanglota le blessé.
« Il a dit que mon dessin était moche ! » ajouta la blondinette.
« Il n’a pas tort ! »
« Oh, mais tu es méchant toi aussi. »

S’en suivit une petite bataille entre les enfants qui se tirèrent les cheveux, se tapèrent et se mordirent le plus fort possible. Taki ne put s’empêcher de sourire : enfin on le laissait tranquille.

« C’est bien, entretuez-vous. Celui qui tue son copain a un bon point. »

Il s’étira et redevint matériel. A cet instant, un inconnu arriva dans la pièce. Il avait apporté des maillots de football pour les petits monstres. Apparemment, c’était la première fois qu’il venait à la MJC pour lui aussi.

« Bonjour. Vous y êtes, monsieur… En outre, je vous laisse la garde de ces bambins. Occupez-vous en bien ! »

L’ectoplasme se dirigea vers la sortie lorsque soudain une onde lui donna mal à la tête. Il ne pouvait pas s’enfuir, il était condamné à être ici… A son grand regret.

La jeune fille aux cheveux verts observait avec délectation Taki se faire harceler par les enfants. Elle se retenait de rire tandis qu'elle s'occupait de son groupe. Elle n'avait jamais été bien douée pour s'occuper des enfants, la seule dont elle ait réussi à faire quelque chose lui ayant bien mal rendu la monnaie, mais l'idée de sa vengeance la rendait excellente comédienne. Quand la bataille commença, elle vint calmer les enfants. L'arrivée d'Adraziel lui donna une belle occasion d'en rajouter une couche.

"Vous cherchez peut-être l'administration." dit-elle. "Je vais vous montrer, attendez une seconde."

Comme Taki s'était éloigné, elle interpela Léna, supposant qu'elle craignait autant les enfants que son ami.

"Dites, vous pourriez garder les enfants, le temps que je guide ce monsieur ?"

Et c'est là que Kirel arriva pour ruiner tous ses plans.

En se levant, la petite sorcière avait tout de suite remarqué l'absence de feue sa belle-mère. Une rapide visite de son habitation lui avait donné une vague idée de ce qui avait pu se passer. Elle avait sorti une panoplie de potions et avait survolé Big Hornow pour retrouver celle qui, elle le supposait, devait être en train de faire toutes les bêtises possibles et inimaginables, dont voler des gâteaux, détruire le monde, et cacher les lames de taille-crayons de la ville.

Kirel atterrit dans une ruelle proche de la MJC. Chose rarissime, elle avait pensé à être discrète de jour. Elle sortit une potion de son sac et se rua dans la cour de la MJC.

"Aaaaaah !" hurla-t-elle. "Reprend ta véritable apparence, vile créature !""

Elle s'apprêtait à lancer le contenu de la potion, censée rendre son apparence de fantôme à sa belle-mère, lorsqu'elle trébucha sur un gamin qui traînait par terre. La potion lui échappa des mains, et alla se renverser sur la tête d'Adraziel. Kirel fit un vol-plané, lança un sort au sol pour qu'il devienne mou et amortisse sa chute, mais inversa la formule et s'assomma sur un sol encore plus dur que la normale.

Adraziel se sentait déjà assez mal en arrivant, et son malaise ne cessait d'augmenter. Les gens avaient une attitude étrange, comme s'ils n'étaient pas vraiment à leur place. Son malaise se transforma en horreur quand il prit une bouteille sur la tête. La contact du liquide n'était en soi pas particulièrement agréable, c'était un peu visqueux, mais le pire restait la sensation qui suivit. Sa peau commença a durcir, lentement, mais suffisemment vite quand même pour qu'il s'en rende compte. Elle pâlissait un peu, aussi.

"Ah..." gémit-il. "Mais qu'est-ce qui se passe ?"

Il n'expliquait pas comment, mais il reprenait visiblement sa forme initiale. Il lâcha son carton, et chercha des yeux un endroit pour se cacher. Quand il repéra enfin un bosquet assez touffu, une grande douleur aux omoplates lui indiqua que ses ailes reprenaient leur place. Il courut à l'abri, réfléchissant à toute allure pour trouver un moyen de se sortir de là.

*Avec n peu de chance ils n'ont rien vu.* espéra-t-il avant de se raviser. *Non, c'est pas possible, on voyait déjà mes ailes...*

Il se recroquevilla sur lui-même tandis qu'il grossissait et que des écailles se dessinaient sur sa peau à présent blanche.

Exceptionnellement Archeris était sortit en ville de jour; sous sa forme humaine, sa malle noire en cuir classe à la main, personne ne lui posait de problème hors de la vieille ville, et il n'allait pas s'en plaindre. Or donc notre ami se baladait discrètement, d'endroit sombre en coins obscurs, ce plus par habitude que par réelle nécessité. Il advint alors quelque chose qu'il n'avait pas eu le temps de prévoir, il faillit mettre en pièce ce quelque chose par réflexe d'ailleurs; heureusement, le quelque chose était arrivé si vite qu'Archeris n'eut pas le temps de réagir et faillit tomber. L'inconnu ne semblait même pas l'avoir remarqué et se recroquevilla juste devant lui. Il s'apprêtait à repousser l'inconnu au milieu de la rue adjacente quand il vit qu'il n'était pas entièrement humain.

"... Viens par là..."

*C'est quoi que cette bestiole ?!*

Il l'entraina, sans trop lui laisser le choix, dans un local désaffecté tout proche et suffisamment grand pour accueillir une douzaine de personnes. Son inconnu avait maintenant une drôle de forme. Yseusae se rappela alors un des contes de son enfance. Il lui demanda sur un ton assez neutre.

"Tu serais pas un dragon par hasard ?"

Adraziel avait à présent retrouvé sa forme. Il paniquait complètement.

"Non, non !" assura-t-il. "Je suis pas un dragon !"

Il regarda partout autour de lui, cherchant à nouveau une sortie. Il voulait reprendre une forme humaine, mais le processus était très long. Et il y a avait quelqu'un qui le regardait. Ce type lui faisait peur. Pourquoi ? Certainement parce que dans cet état, il aurait eu peur de n'importe qui. Il commença à tourner en rond sans bien savoir quoi faire. Il aurait voulu sortir, mais c'était multiplier le nombre de témoins...

Voyant que manifestement, soit son interlocuteur était si terrorisé qu'il n'osait lui dire la vérité, soit il n'avait jamais remarqué sa véritable nature. Toujours est-il que celà l'amena à penser la chose suivante :

*Bon sang, il en tient une couche lui.*

Concluant de part l'attitude du dragon que ce dernier paniquait il tentât de le calmer, d'une voix qui se voulait amicale.

"Allons du calme... J'vais pas te manger... Ceux de dehors en revanche, je sais pas s'ils se poseront la question avant de se tailler un steack.

Sur ce, calme-toi et assied-toi. Tu peux pas ressortir sous cette forme de toute façon, ce serait suicidaire."

Archeris eu alors la présence d'idée d'obstruer les deux fenêtres pour ne pas qu'ils soient espionnés. Même s'il doutait qu'on les ai remarqué, il n'aimait pas qu'on suive ses conversations sans son accord. Il s'assit ensuite sur une caisse non loin du dragon.

"Maintenant on est sûr d'être au calme...Bon, quitte à être ici autant causer un peu... Moi c'est Archeris, et toi ?"

La douleur faisait siffler son crâne, si bien que le spectre du s’appuyer au mur pour ne pas flancher. Quelle était cette puissante magie qui l’empêchait de partir ? Une violente migraine le força à s’éloigner de la porte. Plus il s’éloignait de celle-ci, plus il se sentait mieux. Cette fois-ci, il n’y avait aucun doute : il était prisonnier de cet endroit. Le seul moyen de sortir était d’amener avec gosse avec lui. C’était ainsi qu’il avait pu se promener dans la MJC : parce qu’il était avec une fillette !

« Bon sang… J’ai vraiment la poisse… Non seulement je me tape la garde de ces gosses, mais en plus je ne peux même pas m’en aller. »

Soudain, il vit Kirel débouler à toute allure dans la pièce. La petite sorcière tenait une fiole dans la main et se dirigea vers la jolie damoiselle à cheveux verts. Contre toute attente, elle se mit à l’insulter voire à l’agresser ! En effet, la magicienne voulut lui envoyer la potion dessus. Pourquoi donc tant de haine ? Elle était plutôt belle cette femme aux cheveux cent pour cent nature (naturel ?). En quoi était-elle une vile créature ?
Taki toisa la créature de ses fantasmes et s’imagina avec elle dans un coin du couloir. Il prendrait soin d’elle si elle le lui permettait… Oh, ça oui… Elle serait même ravie de soupirer sous ces baisers fantomatiques. Malheureusement la malchance était avec lui : il ne pouvait pas sortir, donc adieu les doux rêves illusoires ! Adieu les espoirs de partie de jambes en l’air !

« Ah, non, attends ! » déclara-t-il.

Il ne voulait pas que l’alchimiste redonne à ce canon sa véritable apparence. Si elle faisait cela, il devait dire « au revoir » à son plaisir des yeux. Kirel n’eut pas de chance non plus, car elle tomba lamentablement sur le sol. Inutile de dire que ce genre de gag fit rire les enfants qui en redemandèrent. L’ectoplasme leur répondit sèchement.

« Vous allez la boucler bandes de morveux ? »

Sa ‘gentillesse’ calma la plupart des petits qui hoquetèrent. Décidément, ce type était vraiment méchant avec eux ! Ils le diraient à leurs parents. Taki s’approcha de la blessée.

« Hey, ça va ? » demanda-t-il d’une voix attentionnée.

Il posa sa paume sur la joue de la sorcière, puis caressa tendrement sa peau. Il la toisa en silence, écoutant son souffle ou une simple phrase. Etant donné que la demoiselle ne répondait pas, il en conclut qu’elle avait subi un sacré choc ! Cette chute avait du la rendre inconsciente.

« Si tu ne te réveilles pas, je vais devoir jouer au prince charmant ! »
« C’est trop chouuuuuu ! »
« Oui, monsieur le fantôme, embrassez la princesse ! »
« Oh, comme c’est beau, j’aimerais bien que ça m’arrive. »

Les bambins ne manquaient pas une miette de la scène. Ils virent le revenant se pencher au dessus du visage de la magicienne et écarquillèrent les yeux. Ils s’attendaient à ce qu’ils s’embrassent, malheureusement le mort-vivant remarqua que le type qui était venu pour faire du sport s’était mis à paniquer.

« Un problème ? » fit Taki en haussant un sourcil.

Il n’obtint pas de réponse, car le jeune homme fila se cacher quelque part. Étant donné qu’il avait déjà une damoiselle en détresse sous les yeux, le spectre le laissa dans son coin. Il reporta son attention sur Kirel. Après quelques hésitations, il captura ses lèvres avec douceur…

Kirel avait pris un sérieux coup sur la tête, si bien que même sa belle-mère s'inquiétait un peu pour elle, sans vouloir l'admettre bien évidemment. La petit sorcière reprenait conscience lentement, lorsqu'elle se rendit compte qu'elle ne savait pas du tout ce qu'elle faisait là. Elle s'était levé le matin, d'accord. Mais pourquoi s'était-elle levée ? Sûrement parce qu'elle avait un rendez-vous, sans quoi elle serait certainement restée a lit. Un rendez-vous avec qui ? Bonne question...

Elle en était à ce moment de sa réflexion quand Taki posa ses lèvres sur les siennes. D'abord surprise, elle se crispa. Puis l'explication lui vint aussitôt et elle se détendit. Elle avait rendez-vous avec son amoureux. Parce qu'elle avait un amoureux ? Oh, peut-être. Comment s'appelait-il, déjà ? Le choc avait du être rude pour qu'elle en oublie son nom... D'ailleurs, pourquoi était-elle par terre ? Ils étaient certainement en train de batifoler dans l'herbe avant qu'elle ne perde connaissance. Sauf que vu la dureté, ce n'était certainement pas de l'herbe. Elle s'était certainement fait assommer par un quelconque malfrat, et son cher et tendre l'avait sauvée. Oui, c'était sûrement ça. Ça méritait bien une récompense. Elle se redressa légèrement, passa sa main derrière la tête de Taki, et lui rendit son baiser.

Tout autour, les enfants s'étaient calmés, et regardaient la scène avec de grands yeux. La jeune fille aux cheveux verts fit la grimace et coupa court à tout ça.

"Aller, les enfants, allez jouer ailleurs."

Elle poussa les récalcitrants vers l'extérieur de la pièce.

"M'dame ?" demanda un gosse. "Je peux faire pareil avec vous ?

Les lèvres de la magicienne avaient un goût fort délicat que le spectre appréciait beaucoup. Il était ravi de devoir la réveiller ainsi et espérait qu’elle n’allait pas réagir trop violemment. Après tout, il lui avait quand même volé un baiser ! Il avait profité de son état pour l’embrasser ! Ce n’était pas digne d’un gentleman, mais bon : depuis quand un fantôme est censé être bien éduqué ? De plus, un prince charmant ne demande jamais l’autorisation à sa belle endormie. Il effleure ses lèvres, point barre ! Taki n’avait donc aucun remord à agir ainsi.
À sa grande surprise, Kirel poursuivit cet échange en lui donnant un baiser de son plein gré ! Ne préférant rien dire pour ne pas briser cet instant, il ferma les yeux. Sa bouche devint un peu plus fougueuse et il se plut à glisser l’une de ses mains dans les cheveux de la petite sorcière. La remarque du petit garçon à la jolie femme aux cheveux verts l’amusa beaucoup. Il aurait bien voulut répliquer quelque chose, cependant il était occupé à réaliser quelque chose de mieux.
La fusion de leurs lèvres se conclut par un ultime petit baiser dans le cou. Le revenant recula son visage de celui de la damoiselle, puis lui adressa un large sourire.

« Bonjour, belle endormie. »

De ses doigts, il caressa la joue de l’alchimiste. Son regard était tendre, comme à chaque fois qu’il goûtait à la beauté d’un être.

« J’espère que vos rêves furent doux et que ce réveil vous a séduit. »

Il la soutenait par la taille pour ne pas qu’elle retombe en arrière et se blesse de nouveau. Quoi que, cela ne l’aurait pas dérangé ! Il aurait recommencé son petit manège une fois de plus… Il ferait n’importe quoi pour embrasser de nouveau une jeune fille.

Kirel adressa à Taki un sourire rayonnant. Cependant, le fait qu'il la vouvoie lui parut étonnant. S'il s'agissait de son petit ami, ils devaient bien se connaître et se tutoyer depuis longtemps. A moins qu'ils n'aient décidé de fire comme dans les films. Elle décida de continuer dans cette voie.

"J'ai rêvé de vous, mon tendre ami." dit-elle. "J'ai rêvé que vous m'embrassiez. Enfin, peut-être n'était-ce pas un rêve..."

Elle le regarda plus en détail, et le trouva tout à fait à son goût. N'ayant aucune envie de briser ce moment d'intimité avec son cher et tendre, elle se blottit dans ses bras et décida d'y rester le plus longtemps possible.

Mais quelqu'un n'était pas d'accord du tout. La belle-mère enrageait. Elle avait amené tout ce petit monde ici pour se venger, et voilà que ce fantôme prenait du bon temps en embrassant des jeunes filles. Kirel, en plus ! Non pas qu'elle souhaite quoi que ce soit de bien à celle qui l'avait tuée, mais enfin, elle n'allait quand même pas la laisser finir avec ce... ce... C'était un fantôme, en plus !

Elle emmenait les enfants le plus loin possible, histoire que Taki soit obligé de venir aussi. Ces adorables jeunes gens étaient encore en train de commenter ce qu'ils avaient vu, comme si un compte de fée venait de se dérouler sous leurs yeux.

Aux paroles de Kirel, Taki esquissa un sourire plus large qu’il ne l’était déjà. Elle était mignonne, elle se prêtait totalement au jeu. Comme lui, elle s’était mise à le vouvoyer comme le font une princesse et son fidèle compagnon… Euh, one more time… Fidèle ? Depuis quand l’ectoplasme était-il fidèle ? Non, les couples de ce genre ne l’intéressait pas beaucoup. Il aimait trop les corps, la chaleur humaine ou la froideur de la mort. Il avait besoin de sentir cela. De plus, à quoi jouait l’alchimiste ? Etait-elle consciente que le spectre n’était pas son aimé ? Elle lui adressait un visage plein de vie, totalement heureux, comme s’ils se connaissaient depuis longtemps.

« C’était un rêve, mais celui-ci peut devenir réalité… » répondit le mort à la demoiselle.

Il lui prit la main, puis commença par embrasser le bout de ses doigts. Il remonta avec douceur le long de sa peau, longeant les articulations. Il s’arrêta au poignet sur lequel il déposa un petit baiser furtif. Lentement il leva les yeux, lui offrant un regard embué de tendresse. Dans la seconde qui suivit, il rapprocha son visage de celui de la sorcière et captura de nouveau ses lèvres.
Tant qu’elle ferait comme s’ils sortaient ensemble, le monstre agirait en conséquence. Il n’allait pas lui faire de la peine en lui disant qu’elle était effectivement en train de rêver de manière éveillée ! Et puis, il fallait l’avouer : il aimait bien embrasser la jeune fille. Il la prit dans ses bras quand elle se serra contre lui. Oubliant les enfants ainsi que son entourage, il la berça doucement. Soudain quelque chose le fit tressaillir : la force qui l’empêchait de sortir d’une pièce se manifesta. Elle attaqua son crâne de plein fouet ! Le revenant poussa un soupir plaintif et peina à se redresser.

« Je… Veuillez m’excuser, quelque chose me… »

Il sursauta de nouveau. Il fallait qu’il bouge ! De toute évidence quelqu’un l’obligeait à se déplacer. Il soupira pour tenter de reprendre ses esprits. Il adressa un petit sourire à la magicienne à qui il tendit la main.

« Ma mie, j’ai comme une intuition qui me pousse à réaliser une quête. Suivez-moi… »

Il l’aida à se relever, et, sans qu’elle puisse ajouter quoi que ce soit, l’embrassa encore une fois. Jamais trois sans quatre ! Il se rendit à la suite de la femme aux cheveux verts et donc des enfants. En marchant, il vint à demander.

« Puis-je tutoyer la beauté à qui je tiens la main ? »

Kirel était aux anges. Elle sortait certainement avec Taki depuis longtemps, pour qu'il soit si à l'aise avec elle, mais tout cela lui paraissait tellement nouveau... Quand il lui demanda de le suivre, elle obtempéra sans difficultés, tant elle se sentait heureuse et complètement gaga de son cher et tendre.

"Bien sûr que tu peux me tutoyer, mon cher aimé." répondit-elle. "Tout ce qui te fera plaisir."

Tout en avançant, elle cala sa tête contre le bras de Taki.

La jeune fille en vert attendit que tout le monde soit dans la cour pour faire une alléchante proposition.

"Alors, les enfants, aujourd'hui, que diriez-vous d'aller faire un tour au parc d'attraction ?"

Des cris de joie retentirent, signe que les enfants étaient d'accord. Elle se tourna vers les animateurs improvisés.

"Et vous, qu'en dites-vous ?"

Ce qui pouvait encore être un doute devint une certitude : Kirel avait oublié certains points de la réalité. Pour preuve, elle l’appelait « mon cher aimé »… Taki était un peu mal à l’aise, car il avait l’impression de jouer avec elle. Elle ne semblait pas consciente de la situation, elle devait être persuadée d’être avec lui. Ça n’était pas un problème, cependant il aurait préféré qu’elle ait les pieds sur terre. Il sentit la demoiselle poser sa tête contre son bras. Que c’était kawaiiiiii ! Elle était vraiment adorable, une vraie petite poupée.

« Dis-moi Kirel, tu semblais connaître cette bombe aux cheveux verts. Est-ce vraiment le cas ? »

Peut-être que cette belle femme que voulait attaquer la magicienne avait quelque chose à voir avec la perte de mémoire. La première fois qu’il avait vu la petite sorcière, elle était plutôt calme. Au lieu de ça, elle avait surgi dans la pièce en s’adressant à l’inconnue. Pourquoi ? Que lui reprochait-elle ? Qu’elle ait plus de seins ? Que ça soit une nana superbe ? Il devait certainement y avoir un argument plus plausible.
Il arriva dans la cour où se trouvaient tous les enfants. Ces derniers étaient plus ou moins disciplinés : il reconnut la petite fille blonde qui courait dans tous les sens, tandis qu’un de ses camarades sautillait sur place comme s’il avait des ressorts à la place de baskets. Le spectre lança d’un ton grave au gamin :

« Saute encore comme ça et je te coupe les pieds. »

Le garçon s’arrêta après quelques bonds et baissa la tête. Ce moniteur aux cheveux rouges n’était vraiment pas commode ! Heureusement qu’il avait embrassé la fille qu’il tenait par la main ! Parce que sans ça, il n’avait rien d’intéressant. Lorsque la proposition d’aller au parc d’attractions atteignit le cerveau des bambins, tous se mirent à hurler de joie. Ceux qui étaient en rang par deux se mirent à sautiller comme leur confrère l’avait fait.

« OUUUUUUUUUUUUUUIIIII ! On va aller faire plein de tours de manèèèèèèège ! »
« Trop cool ! »
« J’ai envie de faire des trucs à sensations comme les grands ! »
« Ou une pêche aux canards ! »

L’ectoplasme toisa ces crétins avec froideur. Il aurait bien voulu leur faire manger ces fichus canards. Il réfléchit quelques instants sur cette proposition. Qu'allait advenir le type qui avait amené les ballons et qui était parti aussi vite qu'il n'était arrivé ? Peut-être qu’en restant avec l’alchimiste, il pourrait en savoir plus sur sa perte de mémoire si soudaine ou sur leur présence ici. En pensant au parc d’attractions, il se dit qu’il pourrait pousser Léna du haut de la grande roue ou tenir la main de Kirel dans le train fantôme. Le train fantôme… Quelle belle connerie ! Il allait vraiment aller là-dedans ? Ce serait un comble pour lui.

« Pourquoi pas. Si on oublie les mioches sur le bas-côté, ça me va. Malheureusement ça ne risque pas d’être possible. Et toi Kirel, qu’en penses-tu ? »

Il lui adressa un sourire chaleureux, la regardant droit dans les yeux.