Les croquettes ne croustillent pas comme les céréales

Le jour était déjà bien entamé. Dans le centre commercial se battaient divers individus de tout type : enfants, adolescents, parents contraints de faire des achats bidons, couples, hommes âgés, amies venues faire du lèche vitrine en groupe… Il était impressionnant de constater que même à onze heures du matin, il y avait autant d’individus. Marchant parmi eux, Sofia se demandait s’il y avait des monstres. C’était malheureusement peu probable. Ils devaient certainement être dissimulés dans une grotte sous la terre ou couchés dans un cercueil. La plupart devait être en train de dormir à cause d’une longue et lourde nuit agitée. Quel dommage que les créatures enchantées ne sortent point dès que le soleil se levait.
Certains passaient pourtant outre cette consigne. En effet, le pendentif que la jeune fille portait autour du cou clignotait par intermittence. De temps en temps, elle distinguait parmi les humains quelques êtres magiques. Ce fut le cas pour un homme enveloppé dans un grand manteau. A mieux regarder, la damoiselle remarqua que son visage était enrobé de tissu : une momie ! L’inconnu recouvert de morceaux de tissus passa devant elle afin de s’engouffrer dans un négoce spécialisé dans l’informatique. Elle décida de le suivre.
Dans sa filature, elle l’espionnait à la perfection. Lorsqu’il marchait, elle agissait comme son ombre, cherchant autour d’elle comme si elle était intéressée par un quelconque article. Lorsqu’il trouvait quelque chose, elle poursuivait sa route, toujours à la recherche d’un objet imaginaire. La ‘fausse’ comédienne était très douée pour jouer ce genre d’expédition commando. Sans doute était-ce parce qu’elle avait l’habitude avec un certain spectre ou bien parce qu’elle était assez mignonne pour que personne ne la soupçonne. Un vendeur remarqua la jolie rouquine et vint l’intercepter.

« Bonjour mademoiselle, puis-je vous renseigner ? »

Son regard descendait parfois trop vers la poitrine de la jeune fille qui n’avait d’yeux que pour la momie. Elle fixa l’étranger avec un sourire enchanteur. Il lui rappelait Taki avec ses airs lubriques. A cette idée, ses traits furent plein de joie : elle aurait tant désiré que le fantôme soit avec elle ! L’homme aux bandelettes quitta les lieux, apparemment déçu de n’avoir rien trouvé. Cela se voyait à sa démarche lente ainsi qu’à l’abaissement de ses épaules. Il fallait le rattraper ! Cependant un ‘gros lourd’ empêchait l’humaine de poursuivre le monstre. Elle devait trouver une réponse au plus vite.

« Oui, en fait je cherche un mixer pour ma cuisine. »

Cette réplique troubla le vendeur qui bégaya avec peine :

« Mais mademoiselle, vous êtes dans un magasin d’informatique… »
« Ahhhh ! Voilà pourquoi je ne trouvais rien !, s’exclama la jeune femme en prenant une mine émerveillée,Bon, alors tant pis. Désolée du dérangement. »
« Attendez ! J’ai quelque chose à vous proposer ! »

Le casse-pieds s’interposa juste devant elle pour la retenir. Elle allait perdre définitivement la momie si cet idiot restait planté là ! Celui-ci tenait entre ses mains une petite boîte avec dessiné dessus une boule électronique.

« Avez-vous un ordinateur chez vous ? Je vous présente la web cam dernière génération. Elle est recommandée par de nombreux utilisateurs, vous savez ? En plus de faire appareil photo, elle fait fax, téléphone, reconnaissance vocale et agenda. Elle est équipée d’un petit appareil qui lui permet de planer dans les airs. Finies les caméras attachées à votre ordinateur ou encombrant votre bureau. Grâce à ses propulseurs, elle se déplace et vole selon vos envies. »
« Ecoutez-, je n’ai vraiment pas besoin de ce genre d’appareil… »
« Vous devriez en profiter ! Notre magasin fait une réduction spéciale durant un mois ! Un objet mini à prix réduit. »
« Je n’ai pas besoin de web cam. »
« Pour l’instant, non, mais je vous assure qu’elle vous sera utile ! Profitez-en, l’offre est exclusive ! Bientôt il n’y en aura plus. »

Pendant un instant, Sofia imagina le négociateur avec sa web cam dans le postérieur ainsi que ses mains dans le mixer que soit disant elle cherchait. Elle détestait ce genre d’individus qui ne lui lâchait pas les basques. Elle rajusta sa chevelure de feu derrière son épaule pour ensuite rétorquer :

« Je ne suis pas intéressée. A présent veuillez m’excuser, mais j’ai autre chose à faire. »
« Vous êtes sûre ? Si c’est à cause de son prix qui reste quand même assez haut, je peux vous faire une réduction, vous savez ? »
« Non, je ne souhaite pas acheter cet article, à moins qu’il soit bloqué dans votre gorge ou que vous vous étouffiez avec ! A présent, laissez-moi tranquille. »

Elle s’en alla, le sourire aux lèvres, les mains jointes derrière le dos et le pas tranquille. C’était trop tard pour la créature couverte de tissu, il fallait trouver autre chose. Elle était sidérée par le nombre incalculable d’individus qui se bousculaient avant l’heure de midi. Des géniteurs aux enfants hurlant à la mort passèrent devant elle. Ils tiraient leur progéniture en direction de la sortie, chose qui ne plaisait pas aux bambins qui aspiraient à retourner dans leur magasin de jouets. Sofia soupira et passa près d’une bande de fashion victimes qui faisaient du shoping comme si c’était un sport national. Elle ne put réprimer un frisson : comment faisaient-ils pour ne souhaiter faire que cela de leur journée ?
Alors qu’elle suivait les longues galeries où une multitude de magasins longeaient les murs, elle se retrouva face à une personne qui lui fit écarquiller les yeux. Ca alors ! Que faisait un tel individu ici ? Elle se stoppa net et scruta droit devant elle…

[La suite dépendra d’un membre à l’âme charitable qui veut bien jouer avec moi.]

Charogne Nombre de messages : 128 Date d'inscription : 07/12/2007

Kirel se baladait dans le centre commercial, à la recherche de lames de taille-crayons. Après s'être disputé avec un vendeur bute qui refusait de lui faire une réduction si elle n'achetait que les lames, elle avait maudit ledit vendeur, dont les tailles-crayons qu'ils vendraient se retrouveraient automatiquement sans lames.

Passant devant une pâtisserie, elle négocia avec la pâtissière, qui accepta de lui vendre un couteau à pain. C'était toujours mieux que rien. Elle glissa l'objet contondant dans sa ceinture et continua à se balader.

Kirel était globalement crevée, ce qui lui donnait l'air d'un zombie. Mais sa dernière expérience l'ayant rendue insomniaque pour une bonne dizaine de jours, elle prenait son mal en patience. Mais cela mettait à mal son humeur, et lui donnait une méchante envie de nuire à quiconque ne lui revenait pas. Comme ce vendeur, là. Il était en train d'embêter une jeune fille qui n'avait pas l'air de vouloir de sa marchandise. Il méritait bien une punition, celui-là. Le jeune sorcière maudit les webcam qu'il essayait de vendre, et profita qu'il était occupé pour aller démonter un ordinateur et piquer des composants au hasard. Ça pouvait toujours servir. Elle quitta le magasin avant que la cliente n'ait réussi à se débarrasser du vendeur collant et s'éloigna.

C'est alors qu'un malotru lui rentra dedans. Kirel n'étant pas bien grande, il n'avait pas du la voir.

"Eh !" protesta-t-elle. "Faites gaffe où vous marchez !"

Le type la regarda de haut et haussa les épaules, sans s'excuser. Alors là, il méritait une belle punition, celui-là. Elle lui balança une fiole au hasard sur la tête (elle avait toujours des potions à tester dans son sac). La fiole cassa et son contenu se répandit sur le corps du type, et des champignons oranges commencèrent à pousser sur sa peau.

"Ah !" s'exclama-t-il. "Qu'est-ce qui se passe ?"

Tout autour, les gens commençaient à s'arrêter pour regarder cet étrange mec. Il faut dire que Kirel avait parfois tendance à oublier le sens du mot discrétion. Elle prit un petit carnet pour noter les effets de la potion.

Dans le magasin, la jeune fille n’avait pas fait attention à son pendentif qui avait clignoté lorsque Kirel avait démonté un ordinateur. Elle avait été trop concentrée sur cet insupportable vendeur et sa webcam. Quel dommage qu’elle soit trop petite pour atteindre sa bouche puis lui enfourner l’objet à l’intérieur. Elle aurait tellement aimé le voir agoniser. A présent, elle fixait quelqu’un non loin d’elle qui n’avait pas hésité à torturer un humain. Sa victime s’était reçu quelque chose à la figure, ce qui avait modifié son apparence. En l’apercevant, la damoiselle ne put s’empêcher de rire en silence : les champignons oranges allaient très bien à cet inconnu qui paniquait de plus en plus.

« J’aurais bien envie d’une omelette aux champignons… » s’entendit-elle murmurer.

La foule qui s’était arrêtée pour observer la petite personne avec ses fioles commençait à faire un sacré remue-méninges ! On entendait des plaintes, des cellulaires réalisant des photographies de la victime aux tons orangés, des bambins ricanants. Des adultes se demandaient s’il fallait intervenir ou punir celle qui avait osé agir ainsi. Malgré ces intentions, ils n’osaient s’avancer par crainte de subir le même sort.

« Maman, pourquoi le monsieur il ressemble à Casimir ? »

C’était un enfant qui avait demandé cela à sa génitrice. Il avait désigné l’humanoïde à la peau couverte de végétaux colorés et avait scruté sa mère avec inquiétude. A se demander s’il n’allait pas oser chantonner l’Île aux enfants en dansant avec d’autres petits de son âge. Sofia esquissa un sourire en imaginant Taki face à ce mioche. Le sort serait certainement pire qu’une métamorphose… En songeant au spectre, elle baissa les yeux pour remarquer que son collier clignota une fois. C’était une lueur assez forte, ce qui signifiait que la personne aux fioles était d’assez haut niveau !
L’humaine écarquilla encore plus les yeux en se demandant si ce monstre connaissait son ami. Il ne lui avait parlé que de Léna et d’autres créatures sans grand intérêt pour lui. Ce pouvait-il que ça soit la sorcière ? Où était son loup, dans ce cas ? Elle fit un pas en direction de la horde des adeptes de shoping en espérant mieux distinguer l’inconnue.

« Excusez-moi. » murmurait-elle en poussant légèrement un grand dadais.

L’homme se décala en grognant mais sans vraiment lui en vouloir. Il trouvait cela trop dangereux de s’approcher de cette folle avec ses potions, toutefois, il gémissait par habitude. Une fois à une distance convenable, la jeune femme put détailler l’éventuelle ‘Léna’. D’après la description du revenant, elle lui ressemblait un peu mentalement ; par contre, le physique ne collait pas beaucoup. C’était une fille aussi petite qu’elle avait un air presque attendrissant. Cela ne voulait pas forcément dire que ça n’était pas elle ! Après tout la lanceuse de sorts avait la capacité de changer d’apparence.
Sans réfléchir, Sofia s’approcha près de Kirel dont elle ignorait l’identité. Cette dernière était en train d’écrire sur une sorte de bloc note. Que rédigeait-elle ? La réaction de la foule qui s’inquiétait de plus en plus, ou bien la réaction de ce qu’elle avait lancé sur sa victime ? La damoiselle était maintenant à quelques pas de la magicienne. Elle s’arrêta et demanda en souriant :

« Bonjour, vous ne seriez pas Léna, une amie de Taki ? »

Elle espérait ne pas se tromper. En tout cas, il était fort dangereux de s’approcher d’un monstre sans arme ni réfléchir. C’était pourtant ce qu’elle avait fait, avide de savoir. La curiosité était-elle un si vilain défaut ? Elle allait le savoir dans quelques instants. Sans bouger, elle gratifia à cette inconnue un sourire calme.

Charogne Nombre de messages : 128 Date d'inscription : 07/12/2007

Kirel leva les yeux de son bloc note. La foule qui la regardait d'un air pas franchement amical ne semblait pas la déranger outre mesure. En revanche, la fille qui venait de lui parler attira son attention. Forcément, ceux qui se démarquent du lot ont toujours plus de chance de se faire remarquer...

"Léna ?" répondit-elle d'un air vaguement absent. "C'est un joli nom, ça, Léna."

La petite sorcière resta pensive un instant.

"Je connais quelqu'un qui s'appelle Léna. Un Taki aussi. Je crois bien que c'est le nom de ces deux personnes que j'ai croisées l'autre soir sur les toits."

Kirel tourna soudain la tête vers Sofia et planta ses yeux dans ceux de la jeune fille, l'air brusquement soupçonneux.

"Comment vous le savez ? Vous nous avez espionnés, c'est ça ?"

Les champignons sur la peau du malotru commencèrent à tomber, un par un. Kirel en prit note, sans cesser de regarder Sofia (ce qui donna une ligne de notes un peu bancale, vous l'auriez deviné).

La damoiselle n’avait d’yeux que pour l’inconnue. Il fallait dire qu’elle était souvent émerveillée par les monstres. D’ailleurs, depuis qu’elle était arrivée dans cette ville, elle avait tout fait pour en rencontrer. Pendant longtemps cela n’avait pas été possible, jusqu’à ce qu’elle rencontre Taki. Avec lui, elle avait appris qu’une créature magique avait ses avantages comme ses inconvénients. Rares étaient les êtres enchantés avec un bon caractère, la plus part étaient de véritables psychopathes, même s’ils semblaient civilisés. C’était peut-être le cas pour l’étrangère.
La jeune fille aux cheveux rouges restait à quelques mètres de celle qui attisait les regards de la foule. Elle semblait être plus préoccupée par son carnet ou ses notes que par la situation dans laquelle elle se trouvait. Après tout, les monstres avaient pour consigne de ne pas trop traîner en public durant le jour. De ce fait, la magicienne risquait d’attirer la police. Pourvu qu’un idiot ne téléphone pas avant que Sofia ai la réponse à sa question.
Son visage s’éclaira lorsque la sorcière avoua qu’elle connaissait une dénommée Léna ainsi qu’un Taki. Il n’y en avait pas deux dans cette ville, c’était forcément eux. Elle se retint de bondir sur place, car elle sentait une certaine tension. Tout de même, c’était génial ! Quel heureux hasard qu’ils se connaissent ! D’autant plus que son ami l’ectoplasme lui avait parlé d’un rendez-vous sur les toits. La fille aux potions disait certainement vrai.

« Vous espionner ? Oh, non, pas vous. »

Elle afficha un air tout à fait à l’aise et sincère. Mentir n’était pas son genre, elle préférait montrer qu’elle n’était pas toujours quelqu’un de bien, plutôt que d’inventer toute sorte d’histoire à son sujet. Bon, parfois, comme lorsqu’elle était avec le vendeur, il avait fallu ruser. Ca n’était pas pareil ! Ejecter un gros lourd ou parler avec quelqu’un d’intéressant n’appartenait pas au même domaine !

« Taki est un ami, nous nous connaissons depuis plus d’un an. Il me parle souvent d’une Léna, je pensais donc que c’était vous. »

Depuis la rencontre du toit, son camarade immatériel ne l’avait pas revue. Elle n’avait donc jamais entendu parler de Kirel. C’était pour cela qu’elle ignorait absolument tout de la lanceuse de sort.

« Comment vous appelez-vous ? »

Elle avait dit cela sans vouloir être indiscrète, juste par curiosité avec le sourire aux lèvres. En réalité, elle trouvait cela presque normal d’être mondaine avec des monstres. Depuis la nuit où elle avait failli périr, elle avait considéré les êtres enchantés d’une autre façon. Elle savait que certains étaient maléfiques et sans cervelle, tandis que d’autres savaient parlementer. Elle avait donc espoir que cette sorcière appartienne à la seconde catégorie. Toutefois, à en juger son acharnement sur sa pauvre victime, elle doutait de plus en plus du fait qu’elle soit civilisé. Les champignons qui tombaient faisaient sursauter la foule. Parmi les familles, on remarqua quelques individus dégainer leur portable tandis que d’autres glissaient furtivement leurs armes à feu de leur ceinture. La présence de cette ‘ignominie’ attaquant leur semblable n’était pas acceptable. Ils ne supportaient plus que cet inconnu aux végétaux oranges sur la peau soit martyrisé ainsi. Sofia sentit leur agitation leur monter à la tête. Bientôt, comme elle le craignait, les autorités feraient leur apparition… Elle se demandait s’il était utile qu’elle le signale à l’inconnue. A vrai dire, elle devait bien le savoir, puisque les monstres étaient en général au courant des lois de cette ville.

Charogne Nombre de messages : 128 Date d'inscription : 07/12/2007

"Amie de Taki, hein ?" continua Kirel d'un air mi-absent, mi-soupçonneux. "Enfin, moi, j'le connais à peine, alors la référence..."

Le sorcière ramassa un champignon et décida qu'elle terminerait ses observations à la maison. Elle sortit une autre fiole de son sac. Elle avait concocté quelques mois avant un antidote censé guérir toutes les potions. L'effet secondaire était que la personne avait tendance à se retrouver dans les nuages un peu plus souvent. Elle grimpa sur les épaules du malotru, lui fit boire une gorgée et les champignons tombèrent tous, laissant l'homme tel qu'il était avant.

"Hum, voilà un truc qui marche."

Elle retourna à côté de Sofia et la regarda à nouveau dans les yeux.

"Désolée, j'ai pas répondu à votre question. Je m'appelle Kirel. Mais si vous avez l'intention de faire plus ample connaissance, je vous suggère d'aller ailleurs, il y a un peu trop de monde, ici."

Elle fronça les sourcils.

"Et pas d'entourloupe, hein ? Des potions de ce genre, j'en ai plein, et je vous ai à l'oeil !"

Sofia était un peu déçue que l’étrangère ne connaisse pas l’ectoplasme. En même temps, si elle l’avait rencontré, elle avait du se faire draguer. Le fantôme appréciait tout individu ayant un joli minois ou de jolies formes. Or, comme elle ne ressemblait pas à une enfant, la sorcière avait du subir son regard déshabilleur et troublant. Parfois l’humaine regrettait de ne pas être scrutée ainsi, toutefois elle savait qu’il en était impossible autrement.
Elle observa le pauvre homme se faire grimper dessus par la petite damoiselle. On aurait dit David monté sur les épaules de Goliath afin de lui faire avaler sa fronde ainsi que ses pierres. Le spectacle était assez impressionnant. En outre, on entendit des ‘Ohhh’ dans l’assistance. Certains bambins hurlèrent d’effroi tandis que des adolescents fuyaient au plus vite. Ils n’avaient pas compris qu’elle annulait le sortilège et craignaient pour leur vie. Pour eux, Sofia était soit de mèche avec ce monstre, soit c’était une inconsciente. La seconde solution était assez proche de la réalité.

« Kirel… », se répéta la jeune fille. « D’accord. »

Elle essayait de mémoriser ce nom pour en parler plus tard à son ami. Elle voulut en savoir davantage, malheureusement la magicienne lui proposa d’aller ailleurs. Elle avait raison : des sirènes se faisaient entendre non loin du centre commercial. D’ailleurs, des gens lui confirmèrent la venue des autorités :

« Voilà les flics, enfin ! Ils ont mis du temps à venir. »

L’esprit de la jolie Sofia ne fit qu’un tour. Elle répondit à peine à la menace de la dénommée Kirel.

« Oui, oui, pas d’entourloupes ! Maintenant, filons ! »

Sans lui demander son avis, elle s’empara de son poignet et l’entraîna dans le couloir. Ses enjambées étaient rapides, elle allait vraiment très vite. Il faut dire qu’elle avait l’habitude et que c’était un de ses plus grands talents. Elle espérait que sa vivacité serait facile à suivre et que l’inconnue suive ses pas sans se vautrer bêtement. En fait, elle ne jetait même pas un seul coup d’œil derrière elle. Impossible de savoir si Kirel cherchait une potion dans son sac pour la calmer, impossible de remarquer si des gens les suivaient, impossible de voir si les hommes représentant la loi étaient arrivés. Non, elle filait droit devant elle, cherchant une issue.
Un magasin de vêtements en laine fut repéré à sa droite. Elle vira en cette direction. Sa main tira encore plus fort le bras de la fille aux potions. Une fois à l’intérieur, elle prit quelques pulls tricotés et entraîna sa nouvelle connaissance dans une cabine de change. Elle ne lui laissait pas le choix : elle l’avait emmené quelque part sans autorisation. Lorsqu’elle entendit des bruits de pas, elle colla sa paume contre les lèvres de la lanceuse de sorts.

« Chut… Il ne faut pas que l’on nous repère. Je compte sur vous pour être discrète. »

Après quoi, elle libéra la sorcière de son emprise, puis s’abaissa pour regarder en dessous du rideau. Il n’y avait que des clients qui ne faisaient guère attention à eux. Tant mieux…

Charogne Nombre de messages : 128 Date d'inscription : 07/12/2007

Kirel se laissa entraîner par Sofia. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi la jeune fille était si pressée, mais se laissa faire. Sofia courrait si vite que les petites jambes de Kirel ne touchaient même plus le sol (comme dans les BD ou dessins animés, vous voyez le genre ?). Une fois dans la cabine d'essayage, elle examina les pulls. Tout de suite, Sofia lui plut beaucoup plus.

"J'adore ce pull !" s'exclama-t-elle en montrant un pull marron à motifs rouges. "C'est pour moi ?"

Dans un magasin de vêtements, cette remarque ne devait pas paraître trop déplacée, et de toutes façons elle n'y avait pas fait attention.

"C'est quoi, votre nom, déjà ?" demanda-t-elle avec un grand sourire.

Nombre de messages : 23 Date d'inscription : 20/09/2008

A moitié caché derrière le comptoir, un jeune homme binoclard observait ses clients. Il faisait très attention à ne pas regarder la même personne trop longtemps, histoire de ne pas paraître trop inquisiteur. Un client vint lui commander une pâtisserie, et un autre une raquette de tennis. Devenu très doué pour faire deux choses en même temps, il satisfit très vite ses deux clients. Puis trois clients l'assaillirent en même temps. Tout à ses tâches, il ne vit pas entrer les deux filles. Puis le magasin se vida un peu, le laissant souffler. Il décida de faire un peu de ménage dans les cabines d'essayage pendant qu'il avait un peu de temps. Il ouvrit la première et... Horreur ! Elle n'était pas vide ! Il y avait deux filles dans la cabine. Le vendeur vira au rouge, referma prestement le rideau et bredouilla des excuses.

"P... p... pardon...." tenta-t-il. "Je... je z'avais pas vues !"

Puis il retourna se cacher derrière son comptoir, entamant une compilation de noyau sur son ordinateur pour ne pas penser au crime qu'il venait de commettre. (Petite note au passage : la compilation de noyau est une opération indispensable pour faire fonctionner un système d'exploitation, mais il parait que c'est fichtrement compliqué.)

La jolie jeune fille était quelque peu essoufflée. Chercher une issue, courir à toute allure, entraîner quelqu’un derrière elle, se cacher quelque part… C’étaient trop d’informations d’un seul coup. Elle décida de se coller contre le mur de la cabine pour récupérer. Taki avait raison : elle adorait prendre des risques énormes, quitte à se mettre en danger. Qu’elle aille en prison et soit accusée de complicité avec un monstre turbulent passait encore, elle s’en sortirait aisément. Qu’elle se fasse transformer en chenille par la sorcière aussi. Mais se faire lyncher par une horde d’humain, non merci !
La dénommée Kirel semblait avoir retrouvé la joie. D’ailleurs, elle semblait même détendue, comme si rien ne s’était passé auparavant. Avait-elle oublié ou était-elle capable de passer d’un état à un autre. Sofia ne put s’empêcher de faire le rapprochement entre l’alchimiste et l’ectoplasme. Tous deux semblaient avoir des caractères très lunatiques… Quoi que la demoiselle en face d’elle avait l’air d’avoir des sautes d’humeurs plus violentes. L’humaine se retint de faire ce commentaire à haute voix ; elle préféra scruter l’inconnue.
Celle-ci jouait avec des pull qu’elle examinait sérieusement. Etait-elle une adepte du tricot ? Elle la toisa avec ses petits yeux, attendant qu’elle parle.

« Euh… Pour vous ? Euh, si vous l’aimez, pourquoi pas. Vous pouvez vous l’acheter si vous l’aimez. »

Peut-être que lorsque la magicienne avait dit ‘c’est pour moi’, elle attendait à ce que ça soit un cadeau ? La jeune fille n’en savait rien. Elle était surtout assez étonnée par le changement radical de comportement.

« Je ne vous l’ai pas dit, veuillez pardonner mon impolitesse ! » lança-t-elle en retrouvant le sourire. « Je me nomme Sofia. »

La damoiselle attendit que le magasin se vide pour sortir. Avec un peu de chance, les employés ne regarderaient pas et iraient dans la remise ou un autre local du négoce. Cela permettrait alors aux deux femmes de quitter les lieux incognito. C’était risqué, toutefois la police aurait eu le temps de les oublier et elles ne risqueraient plus rien…
C’est alors qu’une main tira le rideau et les dévoila au grand jour. Sofia contint un petit cri de surprise. C’était un jeune homme à lunettes, travaillant certainement dans le magasin. Il semblait gêné de les avoir surprises ici. Peut-être croyait-il qu’elles faisaient des essayages pour le moins douteux ! Après tout, le fantasme de certains couples était de copuler dans une cabine d’essayage.
Avant qu’elle n’ai pu justifier la scène, le vendeur avait déjà disparu. Sofia décida qu’il était temps de sortir d’ici. Elle se tourna vers Kirel et lui demanda si elle voulait sortir d’ici.

« Vous souhaitez partir ou les articles vous intéressent ? »

Si elles sortaient avec des sacs et des achats, peut-être paraîtraient-elles moins suspectes. L’humaine se tourna vers le marchant à qui elle adressa un petit signe de main afin de lui signifier que tout allait bien. Le pauvre, il semblait terriblement troublé de la situation.

Charogne Nombre de messages : 128 Date d'inscription : 07/12/2007

Kirel regardait le pull avec des yeux brillants. Mue par une impulsion soudaine, elle le mit. Il lui arrivait à peu près aux genoux, et ses mains étaient très loin du bout des manches. Cependant, en se regardant dans la glace, la petite sorcière tomba littéralement amoureuse de son look. Elle se tourna vers Sofia.

"Il me va bien, n'est-ce pas ?" s'exclama-t-elle. "Bon, je vais devoir faire quelques retouches au niveau des manches, mais au moins je n'aurai pas froid cet hiver. T'as pas idée comme il fait froid chez moi, la nuit, Sofia..."

Elle attrapa Sofia et la serra dans ses bras.

"J'ai bien fait de te rencontrer, toi. C'est le pull que je ne cherchais pas depuis des années ! Pour fêter ça, je t'offre le repas, ça te branche ?"

Elle retira le pull et le posa sur le comptoir.

"Combien ?" demanda-t-elle au vendeur.

Nombre de messages : 23 Date d'inscription : 20/09/2008

Adraziel sursauta devant la brusquerie du ton de Kirel.

"C... combien ?" répéta-t-il d'un air un peu idiot. "Oh, euh... En principe, c'est quinze euros, mais je vous le fait à dix pour m'excuser pour... Enfin, pour m'excuser."

Il fit un gros effort pour ne pas devenir trop rouge, ce qui lui donna l'air encore plus bête. Pour reprendre contenance, il se balança d'avant en arrière en regardant le plafond.

Sofia ébauchait toujours des plans dans son esprit. Il fallait à tout prix qu’elle trouve un moyen de fuir avec la dénommée Kirel sans se faire repérer. Le vendeur allait-il les en empêcher ? Quoi qu’il n’avait pas l’air très méchant, bien au contraire. Il aurait pu les réprimander puis leur ordonner de quitter le magasin sur le champs. Au lieu de cela, il s’était excusé d’un air penaud et avait pris la poudre s’escampette. ‘Courageux mais pas téméraire’ comme disait le proverbe…
Elle jeta un léger coup d’œil à la jeune fille près d’elle. Comme la situation était attendrissante ! Si on oubliait qu’elle avait joué les sadiques avec l’humain de tout à l’heure, on la trouverait presque attendrissante ! On aurait dit un petit fantôme avec ses manches trop grandes. Son joli minois la rendait totalement mignonne, si bien que la damoiselle du se retenir pour ne pas pousser un « Ohhhhh, tu es trop cute ! ». Elle préféra la toiser avec un petit sourire en coin. La taille de la sorcière jouait également sur le point de vue de la citoyenne : une magicienne si petite avec un pull aux manches immenses, c’était aussi enchanteur qu’un enfant essayant les vêtements trop grands de ses parents.

« Bien sûr qu’il te va bien. » répondit-elle en ne la quittant pas des yeux.

Qu’elle fasse des retouches ou non ne changerait pas l’image que Sofia avait de l’alchimiste. Cette dernière serait toujours représentée avec un long pull dans son esprit.

« Il fait si froid chez toi ? Mais pourquoi ne pas user de ta magie pour te réchauffer ? » murmura-t-elle de manière presque inaudible.

Avant même d’avoir une réponse, elle sentit des bras entourer son corps. Elle sursauta, écarquillant les yeux en grands. Que se passait-il ? On l’enlaçait ? Fort heureusement elle avait une réflexion assez rapide, elle comprit donc que Kirel la serrait contre elle. Ce geste la fit sourire, elle referma à son tour ses bras sur la petite damoiselle.

« Un repas ? Avec ou sans les champignons de l’homme de tout à l’heure ? » fit-elle en cessait un peu l’étreinte.

Elle lui adressa un petit clin d’œil, puis reprit :

« Volontiers pour le repas. »

Elle suivit la lanceuse de sorts jusqu’au comptoir en prenant soin de rester naturelle. Tout regard suspect ou gestes brusques risqueraient d’alerte le vendeur. Il ne valait mieux pas en rajouter. Elle se posta à la droite de la cliente du pull et ne lâcha pas Adraziel du regard. Il s’excusait ? Décidemment, il était très gentil.

« Vous savez, on ne voulait pas vous déranger. Nous faisions juste… Des essayages. Vous n’avez vu personne nu, ça n’est pas la peine de vous en vouloir. Nous reviendrons sans doute dans votre magasin. »

Sofia offrit un large sourire enthousiaste et un peu apaisant. Elle souhaitait un peu le rassurer.

Nombre de messages : 23 Date d'inscription : 20/09/2008

Adraziel emballa consciencieusement le pull, faisant attention à le plier correctement. Les paroles de Sofia le rassurèrent un peu. Elle était gentille, cette fille. Certaines lui auraient envoyé sa propre marchandise à la figure, pour avoir ouvert leur cabine.

"Merci, mademoiselle." dit-il. "Vous êtes bien gentille. Si vous revenez, vous serez les bienvenues."

Il sourit. Des clients sympas, c'était ce qui faisait l'attrait de ce métier. Quand en plus les clients se mettaient à bavarder avec lui, c'était génial ! Sauf que comme il ne savait généralement pas quoi dire, on ne bavardait pas beaucoup avec lui.

"Vous voulez autre chose ?" demanda-t-il à Kirel.

Muetdhiver parcourait le centre commercial, enveloppé dans un manteau bien trop grand pour lui. Cela dissimulait à peine l'appendice qu'il portait sur la colonne vertébrale et lui donnait un air de bossu, mais il n'était pas ici pour rencontrer la dame de ses pensées. Celle ci était depuis longtemps dans l'autre monde, pour le plus grand malheur du mutant. Non, il venait ici pour faire sa récolte. Un enfant perdu ferait bien son affaire, et c'était plutôt facile à trouver en ce jour d'affluence. Seul risque, être pris avec. Il prit en filature une famille qui rentrait dans un magasin de vêtements et décida d'attendre à la sortie de ce magasin.

Attention de la mère : 14%
Risque de perdre la filature : 28%

Son attention fut attirée par une jeune rousse à la caisse. Cela ne le laissait pas indifférent, elle lui rappelait un peu feu son aimée. La nostalgie des souvenirs fit bientôt place à la haine qu'il concevait pour le genre humain depuis ce jour maudit. La rouquine aussi était des leurs. Elle aussi devait être détruite. Cela ne pressait pas. Il y réfléchirait plus tard. Pour l'instant il fallait des cobayes, jeunes, très jeunes de préférence.

Sirènes de police - DANGER -
Risques de pagaille : 16%
Augmentation des chances d'enfant perdu.

Il décida de rester sur place, et d'attendre la sortie de la famille, en faisant taire l'irrépressible envie qui lui prenait à chaque fois qu'il était entouré de tant d'humains : les étriper tous à mains nues, l'un après l'autre. Mais il savait que cela ne ferait qu'entraîner sa perte, et sa vengeance serait incomplète

Charogne Nombre de messages : 128 Date d'inscription : 07/12/2007

Kirel regarda le vendeur avec un air inquisiteur. Est-ce qu'elle voulait autre chose ? Évidemment ! Il y avait quelque chose qu'elle n'avait toujours pas racheté. Deux choses, en fait.

"Ouais." répondit-elle. "Je voudrais du sel, des lames de taille-crayons sans le reste du taille-crayons, et l'adresse d'un bon restaurant pour y inviter ma nouvelle amie."

Elle réfléchit un instant.

"Et vous avez pas un petit sac en laine assorti à ce superbe pull ?"

Son attention fut distraite un instant par l'entrée d'une mère et de ses enfants dans le magasin. Elle fronça les sourcils. Un coin de son cerveau qui gardait ses souvenirs les plus profonds venait de réagir. Cette partie de son cerveau se souvenait que Kirel avait un jour eu une grande famille. La jeune sorcière ne comprit pas pourquoi ce recoins de matière grise était ému et reporta son attention sur le vendeur, glissant au passage un sourire à Sofia.

Nombre de messages : 23 Date d'inscription : 20/09/2008

Adraziel se sentit soudain mal à l'aise. Ses sens aiguisés lui soufflaient que quelqu'un les observait. C'était au moins la troisième fois de la journée, aussi n'y fit-il pas attention. Mais ça restait désagréable.

"Du sel ?" s'étonna-t-il. "Euh, je dois en avoir, mais je n'en vends pas. Des lames de taille-crayons non plus."

Il sourit.

"En revanche, si vous cherchez un restaurant, je fais justement dans la haute gastronomie. Entre midi et quatorze heures, ma boutique devient un restaurant. Mais comme il n'est que onze heures..."

Sofia adressa un large sourire au marchand. Il semblait rassuré, tant mieux. Il ne méritait pas sa colère ou son mépris, contrairement au vendeur qui l’avait interceptée quelques heures plus tôt. Elle ne s’était toujours pas remise de cette webcam qu’il voulait lui faire acheter. Agresser les clients n’était vraiment pas conseillé, il allait faire peu de ventes avec une telle méthode… Quoi que, il y avait des personnes ayant peu de caractère qui se laisseraient avoir par ce genre d’individu. Rien que pour qu’il les laisse tranquilles, les gens devaient être capables de l’acheter cette satanée webcam.
Elle examina le jeune homme. Se serait-il laissé avoir par le type du magasin d’informatique ? Sans doute… Il semblait trop gentil pour refuser quoi que ce soit. Ce genre de personne était de plus en plus rare, car l’hostilité des autres devaient prendre le dessus. Avec tous ces monstres, on en avait oublié la douceur ou la patience avec autrui.

« Etant donné que ma camarade aime vos pulls, je suis persuadée que nous reviendrons. »

L’humaine détourna son attention de la caisse quelques secondes. Il y avait vraiment beaucoup de produits ici. Elle ignorait si beaucoup de personnes venaient acheter tous ces pulls tricotés ou ces petits vêtements disposés dans un coin du négoce. En tout cas, il lui semblait que l’on pouvait faire de bonnes affaires ici : elle remarqua une petite écharpe colorée à un prix plus qu’abordable. Malheureusement elle n’avait pas assez d’argent sur elle et décida de reporter cet achat à plus tard.
Les paroles de la sorcière la firent tourner la tête. Du sel et des lames de taille-crayon ? Pensait-elle sérieusement qu’elle allait en trouver ici ? A quoi cela lui servirait-il ? A préparer une nouvelle potion ? Oui, c’est ce qui semblait le plus probable… L’idée du sac en laine la fit sourire. Décidément, l’alchimiste allait acheter tout le magasin. Elle semblait vraiment heureuse d’être ici, entourée de laine. Tant mieux. La jeune fille appréciait le bonheur des autres. Généralement ça la rendait tout sourire.

« Votre boutique devient un restaurant ? » s’exclama la jolie rouquine avec étonnement.

Elle écarquilla les yeux, ce qui la rendit fort attendrissante. Par sa taille et ses mimiques, on ne lui donnait vraiment pas vingt ans.

« Ca n’est vraiment pas banal, ce genre de chose. Je me demande surtout comment vous faites pour installer des tables et des chaises parmi tous ces pulls… »

L’idée de mettre un restaurant dans cette boutique lui paraissait improbable. Mais après tout elle ne tarderait pas à voir comment il allait faire. Etait-ce marqué à l’entrée du magasin ? Il ne lui semblait pas. Elle voulut vérifier par elle même.

« Excusez-moi, je reviens. J’en ai pour cinq secondes. »

Elle se dirigea alors vers la sortie du négoce et se retourna juste devant la porte. On pouvait lire le nom de la boutique juste au dessus de la vitrine. Une pancarte indiquant que ce bâtiment faisait également de la gastronomie était accroché sur l’un des murs. Ca n’était pas très visible, néanmoins c’était bien indiqué, le vendeur avait raison.
Sofia sentit alors quelque chose réchauffer sa peau : son collier avait luit à deux reprises. Elle baissa les yeux puis serra le pendentif entre ses doigts. Il y avait deux monstres ici et tout près… Apparemment cela venait du magasin d’où elle était sortie. Elle fit le compte dans sa tête : il y avait Kirel, ça faisait un… Mais qui était l’autre ? Serait-ce le vendeur ? Une famille était également dans le local. Le monstre pouvait être parmi eux… Elle ignorait qu’elle se trouvait près du Muet et n’avait pas prêté attention aux gens de l’extérieur.

« Il y en a deux là dedans… Il faut que je sache… » murmura-t-elle en relâchant ce qu’elle avait au cou.

Elle resta sur place quelques instants, scrutant chaque visage derrière la vitrine. Il fallait qu’elle sache… Par ailleurs, elle tournait le dos au mutant, ce qui l’empêchait de le repérer ou même d’être informée de sa présence.

Muetdhiver était bien embêté. La rouquine était sortie de la boutique et l'empêchait de surveiller la famille si riche en proies faciles. Il avait réussi à se trouver une place d'où il voyait tout le magasin en restant discret, et voilà que cette humaine le gênait. Il tâta la seringue emplie de calmants au fond de sa poche. Il avait mis la dose aujourd'hui. Elle serait suffisante pour endormir la jeune femme... Pourquoi attendre l'enfant ? Il se vit en train de l'emmener sonnée par le poison à travers les rues de la ville, commencer à l'opérer.... NON ! Il ne pouvait pas faire cela, elle lui rappelait trop sa défunte aimée. Lui parler alors ? Pas question, c'était une humaine, une vermine. Au mieux, il pouvait se permettre de la tuer sans douleur. Mais... non, du moins pas tout de suite.

Excusez-moi, mademoiselle ?

Demanda le mutant de sa voix aux accents métalliques

J'attends un ami dans ce magasin et je ne voudrais pas le rater, vous me bloquez la vue.

Il n'arrivait pas à le croire. Etait-ce bien lui qui avait dit cela ? Jamais il ne se serait adressé comme cela à un humain. Il en conçut une certaine honte, avant de se ressaisir. Il y a un objectif, Demander à cette femme de se pousser me permet de l'accomplir. Elle ne me plait pas. Seule ma douce me plaisait.

Charogne Nombre de messages : 128 Date d'inscription : 07/12/2007

Pendant que sa nouvelle amie sortait de la boutique, Kirel entreprit de harceler le pauvre vendeur.

"Dites, vous savez créer la laine artificiellement ?" lui demanda-t-elle. "Parce que ça m'intéresse, vous voyez ? La laine est un matériau naturel, alors ça ne risque pas de m'abimer la peau. Je suis suffisamment douée pour m'abimer la peau toute seule, alors pas besoin de tous ces tissus synthétiques. C'est pour ça que je voudrais savoir s'il y a moyen de créer une laine de synthèse."

Elle joua un peu avec les manches de son pull pour en tester la solidité.

"Et puis vous donnez des cours de tricot ? Parce qu'avec toutes mes expériences, j'ai complètement anéanti ma garde-robe. Ça fait trois semaines que je porte les mêmes vêtements. Bon, d'accord, ils sont autonettoyants, mais quand même..."

Elle fronça les sourcils.

"Quand est-ce qu'on mange, alors ? J'ai faim, moi. Je suis sûre que Sofia aussi à faim."

Elle cria à travers le magasin :

"Tu as faim, Sofia ?"

À la voix de l’inconnu, la rouquine se retourna. Elle cligna des paupières comme si sa vision se troublait : quelle drôle de façon de s’habiller ! Il semblait porter un grand manteau comme s’il cherchait à cacher quelque chose. Etait-ce le genre de pervers nu sous un manteau qui dévoile son anatomie à des enfants ou des jeunes gens juste pour les choquer ? Il n’en avait pas l’air. De plus, il était improbable qu’un type de ce genre se promène dans un centre commercial que la police fouille.
Sofia scruta cette espèce de bossu qui l’avait interpellée. Ses mots avaient un arrière son strident, presque métallique. C’en était presque effrayant. L’aspect comme la voix de cet étranger ne devaient pas rassurer beaucoup de monde… Malgré ces détails, la jeune fille n’était pas effrayée. Il lui en fallait largement plus pour qu’elle se mette à avoir peur. Étant plutôt tolérante avec autrui, elle ne tint pas compte du corps du citoyen et se contenta de l’écouter.
Apparemment, il attendait l’un de ses amis se trouvant dans le magasin. Dans ce cas pourquoi n’était-il pas avec lui ? Il était allergique à la laine ? Avait-il peur ? Plusieurs suppositions bousculaient l’esprit de la demoiselle qui se mit à murmurer :

« Je vous bloque la vue… ? »

Elle sursauta en écarquillant les yeux.

« Oh, excusez-moi ! Je ne savais pas. »

Ses jambes la portèrent quelques centimètres plus loin. La jeune fille se tut en cherchant dans le négoce une personne susceptible d’aller avec cet homme. Hormis la famille, le vendeur et la sorcière, il n’y avait personne. Elle décida de se mêler de ce qui ne la regardait pas.

« Qui attendez-vous ? Serait-ce le caissier ? »

Cette damoiselle était toujours curieuse, même avec quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. À croire que son éducation ne lui avait servi à rien. D’ailleurs, ce genre de comportement exaspérait Taki. Il ne supportait pas qu’elle ne fasse pas attention !

« À moins que… »

Elle entendit Kirel qui lui demandait si elle avait faim. C’était une bonne question à laquelle elle n’avait pas songé. L’une de ses mains se posa sur son ventre. Non, bien qu’il était l’heure de déjeuner, son ventre ne criait pas famine.

« J’arrive ! »

Elle n’avait pas répondu à la question, elle préférait répliquer de vivre voix plutôt que hurler dans les couloirs du centre commercial. Elle examina l’inconnu auquel elle proposa de venir dans le magasin.

« Pourquoi ne pas rentrer ? Il paraît que ce local fait également restaurant. Le saviez-vous ? »

Elle avait presque envie de prendre l’homme par le bras et de l’entraîner dans la pièce devant laquelle ils se trouvaient. Cependant elle n’osait pas vraiment : elle ne le connaissait pas et était toujours intriguée par la lueur de son collier. Elle fixa l’alchimiste ainsi que le commerçant.

Muetdhiver rougit. Il ne s'attendait pas à ce que l'inconnue réagisse ainsi. Rentrer dans le magasin ? Pourquoi pas, mais... Non, il y avait ce gosse, en parfaite santé mais pas trop gras, le sujet d'expérience idéal ! remarque, dans le magasin il serait plus à l'aise pour attendre la sortie de la proie. Et puis la rouquine.... ah, la rouquine, elle était si belle. Comment résister à cette invitation ? En plus, refuser paraîtrait suspect... Le mutant fut interrompu dans ses hésitations par un tumulte venant de l'entrée du centre commercial. Il mit en aleerte ses sens surdéveloppés.

POLICE EN APPROCHE... DANGER
TEMPS D'INTERCEPTION.....3min12s
RISQUES D'INTERCEPTION DANS LE MAGASIN....12%
RISQUES D'INTERCEPTION EN TERRAIN DECOUVERT.... 85%

FOULE COMPACTE

CHANCES DE FUITE : 10%

Il prit sa décision et répondit à l'inconnue, d'un air très gêné, car cela aurait été difficile de l'être plus que lui à ce moment là..

Heu, oui, pourquoi pas, je vous suis.

Le mutant entra dans le magasin à la suite de la jeune rousse, en ne quittant pas des yeux la dame et ses enfants.

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Adraziel était gêné (pour changer) en écoutant Kirel. Il ne savait pas si ses propos exigeaient ou non une réponse. La famille qui était entrée dans le magasin se dirigea vers le guichet, après avoir jeté un œil au matériel informatique (les enfants étaient certainement de futurs geeks).

"Bonjour, Monsieur." dit la mère. "Nous aimerions manger, à quelle heure commence le service ?"

"Oh, eh bien... Je suppose que je peux sortir les tables maintenant." répondit-il. "Je vous prie de m'excuser..."

Il se dirigea vers la partie informatique du magasin, à présent vide, et ferma le paravent. Une fois que plus personne ne pouvait le voir, il appuya sur un bouton, et les tables disparurent dans le sol. Un deuxième bouton fit descendre d'autres tables du plafond, déjà prêtes pour recevoir des clients. Il installa rapidement les chaises empilées dans un placard, et posa sa main sur le mur pour y faire apparaître la porte de la cuisine. Il ouvrit également la deuxième entrée de son magasin, sur laquelle la mention "restaurant" était écrite en grand. En mettant son tablier, il se rendit compte avec horreur que ses griffes avaient profité de son utilisation de la magie sur le mur pour réapparaître. Il mit quelques secondes à les faire disparaître à nouveau, puis rouvrit le paravent.

"Voilà, vous pouvez venir, si vous voulez manger." annonça-t-il.

Le regard de la jeune fille était concentré sur le magasin où son collier avait émis des ondes lumineuses ainsi que sur l'individu près d'elle. Ses yeux voguaient d'un endroit à un autre. Elle finit par laisser le commerçant et Kirel en se tournant vers l'inconnu. Celui-ci semblait dérangé et hésitant. Etait-il comme le vendeur ? Avait-il peur des contacts ? Ou alors l'avait-elle gêné ? Elle attendit qu'il s'exprime, mais garda un petit sourire.

« C'est vrai ? Vous venez ? Super ! » s'exclama-t-elle.

Elle était pleine de sincérité et était vraiment heureuse que cet étranger l'accompagne dans ce magasin. Elle en ignorait la raison, cependant, cela lui faisait plaisir. Peut-être était-ce parce qu'elle appréciait la compagnie de quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Oui, ça devait être cela : elle aimait le danger potentiel et se plaisait à discuter avec des inconnus. Elle avait bien remarqué que le bossu n’osait entrer et préférait attendre que son ‘ami’ sorte. Pourquoi refusait-il d’y aller ? Qu’est ce qui lui avait fait changer d’avis ? Etait-ce elle ? Elle en doutait fortement.
Elle se mit à marcher vers l’entrée du négoce et remarqua que l’homme la suivait. Il venait vraiment ?! Le sourire de Sofia s’agrandit. Elle arriva au centre du local où elle remarqua que tout avait changé. Comment était-ce possible ? Etait-ce la magie qui avait opéré un tel changement ? La damoiselle cligna des paupières puis se frotta les cils. Etait-ce son imagination qui lui jouait des tours ?

« Et bien… » fit-elle d’un murmure.

Elle se tourna vers l’être qui la suivait.

« C’est impressionnant, n’est ce pas ? Je ne pensais pas que le changement se ferait aussi vite... Au fait, comment vous appelez-vous ? »

La rouquine était déçue de ne pas avoir assisté à la métamorphose. Elle n’avait d’ailleurs pas vu si le vendeur était responsable de tout ceci. Sans doute était-ce Kirel qui l’avait aidé…Quoi qu’il en soit, le cœur de la jeune femme battit à tout rompre. Elle demeura immobile quelques instants, perdue dans ses pensées. Elle en oublia où elle était et avec qui elle était venue. Dans sa tête se bousculaient des centaines de pensées ou suppositions. Les gens du magasin devaient se demander en quel honneur elle jouait les statues.

Tout se brouillait dans l'esprit du mutant. Cette femme, la mission, son aimée, la police, cette femme, la police, son aimée, la mission, l'enfant dans le magasin, et et et ....
Il n'avait qu'une envie, s'enfuir. Il se sentait pris au piège.
S'il fuyait, il avait toutes les chances de se faire attraper. Peut-être même venaient ils pour lui. Si c'était le cas, ils aurait des armes à impulsions électromagnétiques, et il se ferait attraper sans aucun souci par ces vermines humaines. Il se souvint avec terreur de la douleur que lui causaient ces armes.
Il ne pouvait pas non plus suivre cette femme, presque le modèle de feu son aimée, et qui en plus semblait vouloir entrer en contact avec lui. Il se sentait commencer à défaillir. Il savait que ses substances d'amélioration n'étaient pas compatibles avec de fortes émotions. Il aurait du les couper plus tôt. Les effets secondaires arrivaient. Le mutant essaya de se calmer, et désactiva tous ses injecteurs de drogues d'une simple impulsion mentale. Avec un peu de chance, cela passerait suffisamment vite pour qu'il s'enfuie et oublie cette terrible journée.

La question de l'inconnue sur son nom fut le coup qui acheva Muetdhiver. A entendre cette question, il sentit monter en lui une immense fatigue et une nausée abominable. Le mutant s'effondra soudain dans un râle. Les larmes coulaient à grands flots de son oeil valide, tandis que le bionique s'agitait pathétiquement en tous sens. Le mutant s'effondra en vomissant sur le carrelage du centre commercial. Il parvint tout juste à articuler entre deux hoquets, mû par son simple instinct de survie.

Emmenez-moi hoquets et vomissements Je vous en prie, prenez-moi avec vous, cachez-moi... Cachez moi.

Après un dernier gémissement, il s'effondra, en pensant dans un tourbillon de brume que ce furent ces paroles, où à peu de chose près, qui scellèrent une amitié avec celle qui était devenue son aimée, dans une autre vie....